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28/07/2009

Parité économique : pour Nadine Morano, les quotas sont un "mal nécessaire"

1827832707.jpgDans un rapport remis le 8 juillet au ministre des relations sociales, Xavier Darcos, Brigitte Grésy, inspectrice générale des affaires sociales, propose que la loi impose, d'ici à six ans, un quota de 40 % de femmes dans les conseils d'administration des entreprises publiques et des sociétés cotées en Bourse. Ce document est le rapport préparatoire de la concertation sur l'égalité professionnelle qui interviendra à l'automne. Pour Nadine Morano, la secrétaire d'Etat à la famille et à la solidarité, "il faudra bien passer" par les quotas.

Etes-vous favorable à l'instauration d'un quota de femmes dans les conseils d'administration ?

Par nature, les quotas m'ont toujours choquée, mais ils constituent un mal nécessaire. Il ne faut évidemment pas préjuger des consultations qui seront engagées à l'automne par Xavier Darcos, mais je pense sincèrement qu'il faudra en passer par là. Aujourd'hui, il y a moins de 10 % de femmes dans les conseils d'administrations des entreprises du CAC 40. Il faut donc être plus volontariste ! Il est toujours difficile, on l'a vu lors de l'instauration de la parité politique, de dire à un sortant qu'il doit quitter une instance parce qu'on a décidé d'y imposer une femme, mais les choses doivent bouger.


Ce système s'inspire de la parité politique inscrite dans la Constitution en 1999. Quel bilan en tirez-vous ?

En France, nous sommes encore loin de la parité : l'Assemblée nationale ne compte que 18,5 % de femmes, le Sénat 21,8 % ! Mais la loi sur la parité a permis de transformer les collectivités locales comme les conseils régionaux ou les communes de plus de 3 500 habitants, grâce à une alternance obligatoire homme-femme dans les scrutins de listes. Conseillère régionale de Lorraine depuis 2004, j'apprécie le fonctionnement de cette assemblée qui est à l'image de la population : l'atmosphère y est plus apaisée et l'ambiance studieuse et cordiale.

Que répondez-vous à ceux qui disent qu'ils ont du mal à trouver des femmes ?

Qui peut dire que le vivier n'existe pas ? Les filles ont de meilleurs résultats scolaires que les garçons et réussissent mieux leurs études supérieures qu'eux... A la fin des années 1990, lorsque l'on a imposé la parité politique, on disait aussi que les partis auraient du mal à trouver des femmes, et ils en ont trouvé ! Les femmes s'intéressent à la politique, tout comme à leur carrière professionnelle, mais aller à l'Assemblée nationale trois jours par semaine, assister à des séances de nuit et avoir des enfants, c'est très compliqué. Il faut la compréhension de son conjoint et le partage des responsabilités des enfants.

Nous devons donc donner aux femmes les moyens de concilier vie familiale et vie professionnelle, voire vie politique : c'est la condition même d'une égalité concrète hommes femmes.

Comment expliquer qu'en l'absence de contrainte, la féminisation des instances de décisions soit si lente ?

Le principe des quotas, qu'il concerne les conseils d'administration ou les assemblées politiques, ne saurait suffire : c'est la place de la femme dans la société qu'il convient de faire évoluer, que ce soit à l'intérieur du couple et de la famille, bien sûr, mais aussi dans la vie professionnelle ou sociale. Des dispositifs existent qui permettent de transformer les mentalités : 46 entreprises comprenant 800 000 salariés se sont engagées à travers un label Egalité, et la Charte de la parentalité a été signée par 120 entreprises qui s'engagent à une meilleure conciliation vie familiale vie professionnelle, pour près d'un million de salariés.

Le gouvernement s'est engagé dans un grand plan de développement des modes de garde très diversifiés pour encourager notre natalité. C'est près de 1,3 milliard d'euros qui y sera consacré. Car si la France est championne d'Europe de la natalité, il faut pour cela deux conditions : un taux élevé d'activité des femmes - il dépasse 82 % chez les 25-49 ans - et des modes de garde développés. Si ces deux conditions ne sont pas réunies, le taux de natalité est faible, comme c'est le cas en Allemagne ou en Italie, où les femmes sont obligées de choisir entre travail et maternité.

Nicolas Sarkozy a annoncé en février une réforme du congé parental. Où en est-on ?

Le Haut Conseil à la famille est saisi, il devra faire des propositions au gouvernement. L'enjeu est important : sur les 580 000 parents qui prennent un congé parental, seulement 1 % sont des hommes et près d'un parent sur deux déclare avoir pris un congé parental faute d'avoir trouvé un mode de garde adapté. Je souhaite que les parents disposent d'une véritable liberté de choix et qu'il y ait également un vrai partage des rôles. Il faut aider les femmes en congé parental à revenir plus facilement à l'emploi : on constate que ce congé se révèle trop souvent une trappe à chômage ou un frein à la carrière des femmes, ce qui est injuste.

Dans les pays scandinaves, une partie du congé est perdue si le père ne le prend pas : c'est une piste qui mérite d'être étudiée. Il faut que l'éducation des enfants et les tâches ménagères soient mieux partagées entre les hommes et les femmes. L'égalité doit commencer dès l'enfance par l'éducation : c'est aux mères à préparer les hommes de demain.

Propos recueillis par Anne Chemin

Article paru dans l'édition du 17.07.09.dans le journal Le Monde

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